Lors de la dernière réunion de prières inter-églises de l'Artois,
le pasteur Paul Mears de l'Eglise Baptiste du Flambeau
à Saint-Laurent-Blangy
nous a partagé l'histoire de Monsieur Lo, paysan chinois.
En voici le texte complet,
paru dans Portes Ouvertes n° 306 de janvier 2002 :
(nous n'avons pas retrouvé le document sur le site de
Portes Ouvertes mais sur :
http://coeurnet.org)
Debout, la main étendue,
faites lentement un tour complet sur
vous-même
en priant pour tout ce que vous voyez entre vos doigts.
C’est la méthode qu’employait un paysan à demi illettré
du Jiangsu, Monsieur Lo. Chaque soir, il montait sur la digue de
terre qui bordait son champ. Sa houe sur l’épaule il étendait un
bras devant lui, écartait les doigts et se mettait à tourner.
C’était un spectacle peu banal que cet homme nu-pieds, vêtu d’un
pantalon brun remonté jusqu’aux genoux et d’une chemise beige
sale, en train de pivoter lentement sur lui-même tout en gardant son
bras rigidement tendu devant lui. Ses voisins pensèrent d’abord
qu’il se livrait à quelque exercice de qigong, mais un groupe de
jeunes garçons se mirent à l’observer discrètement, chaque soir
d’un peu plus près, et remarquèrent qu’il priait à haute voix,
pour tout ce qu’il apercevait entre ses doigts.
Il voyait le champ du voisin et disait : « Seigneur, bénis
mon voisin et donne-lui une bonne récolte ». Il avisait le
buffle d’un ami et disait : « Seigneur, garde cette bête en bonne
santé : tu sais comme elle est importante pour mon ami. », Il
distinguait au loin les nuages de poussière qui surgissaient dans la
carrière et disait : « Seigneur, protège ceux qui travaillent
là-bas avec toute cette dynamite. Que chaque pierre sortie de ta
terre serve à donner abri et logement ». Il tournait encore un peu
et se trouvait face aux vitres cassées de la verrerie. « Seigneur,
protège toutes les ouvrières de l’usine et fais qu’elles te
découvrent tout en travaillant. » Tout ce qu’il voyait dans la
direction de sa main était l’objet d’une prière, qu’il
s’agisse des occupants d’une maison, du propriétaire d’un
champ ou d’un animal, ou même d’arbres et de digues, pour que
les premiers fleurissent et que tous deux restent solides.
M. Lo était le seul chrétien de la région et ses voisins
furent touchés d’apprendre qu’il priait pour eux. Mais comme il
était un peu simple d’esprit ils pensèrent qu’il avait un petit
grain de folie aussi. Puis, un jour, M. Lo mourut subitement d’une
crise cardiaque, à 51 ans seulement. Il n’avait pas de famille.
Les choses se mirent à aller mal dans la région. Une
explosion tua quatre hommes dans la carrière. Une jeune femme perdit
un bras dans une machine à la verrerie. Le buffle d’un paysan
s’emballa et détruisit sur son passage des murs d’irrigation
importants, causant la perte de précieuses récoltes. Il se
produisit au total tant de malheurs que tous les villageois se
réunirent et se dirent : « Ces misères nous arrivent parce que Lo
n’est plus là pour prier pour nous. Nous savons par nos enfants
que tant qu’il priait, il n’arrivait de mal à personne et les
récoltes étaient abondantes. Ils discutèrent jusque tard dans la
nuit et décidèrent qu’il fallait trouver à quel dieu M. Lo
adressait ses prières.
Ils regrettèrent de ne pas s’être intéressés à la foi
de M. Lo de son vivant, mais il était désormais trop tard. Pour
tenter de trouver la réponse à leur question, ils brûlèrent des
bâtonnets d’encens dans l’oratoire païen du village, où se
trouvait la statue de pierre d’un guerrier des temps passés. A
leur grande surprise, la statue tomba pendant la nuit. Cela dura une
semaine : chaque matin, ils retrouvaient leur statue le nez dans la
boue.
Finalement, quelqu’un eut une idée : « Regardez, le dieu
tombe toujours dans une direction précise. » Effectivement, la tête
de la statue pointait exactement vers la maison où avait vécu M.
Lo. Ils se rendirent à la maison, qu’habitait maintenant une autre
famille, et ils cherchèrent partout. Après un long moment,
quelqu’un cria : « J’ai trouvé quelque chose », et il tira de
sous le toit un petit livre.
Ils prirent le livre et allèrent le déposer devant leur
dieu, puis ils allumèrent d’autres bâtonnets d’encens pour voir
ce qui allait éventuellement se passer.
L’après-midi même, un jeune évangéliste arriva dans le
village. Il se mit à prêcher aux habitants qui travaillaient dans
les champs : « J’aimerais vous parler de Jésus-Christ, frères »,
mais il ne put rien dire de plus car déjà quelques hommes se
précipitaient sur lui. L’empoignant par les bras et les jambes,
ils l’emmenèrent en disant : « On va t’apprendre à venir ici
avec tes superstitions ! » Mais en passant devant l’oratoire, ils
entendirent un gros bruit sourd suivi d’un gémissement.
Ils lâchèrent aussitôt l’évangéliste pour aller voir à
l’intérieur. La statue était tombée de nouveau et une jeune
femme avait eu la jambe coincée dessous. Les hommes s’affairèrent
à la dégager. Pendant ce temps, l’évangéliste se releva et vint
voir ce qui c’était passé. Il se fraya un passage jusqu’à la
statue et s’exclama : « Mais c’est une bible ! Où l’avez-vous
trouvée ? ».
Les villageois le regardèrent, ébahis, pendant qu’il
prenait le livre qui était tombé à terre. « Tu connais ce livre ?
» lui demandèrent-ils. « Bien sûr. C’est le livre qui parle de
Jésus-Christ - le Dieu le plus grand, celui qui répond aux prières
comme aucun autre. »
L’évangéliste n’aurait pas pu prononcer paroles plus
douces aux oreilles de ses interlocuteurs. « Ah ! On comprend ! »,
dirent-ils. « Celui qui possédait ce livre était un homme du
village. On le prenait pour un idiot, mais on a vu ensuite que ses
prières étaient puissantes. Parle-nous de son Dieu ! »
L’évangéliste essuya ses vêtements d’un revers de la main et,
s’apprêtant à parler, il regarda la bible qu’il avait ramassée.
Il avait placé son pouce à la page où le livre s’était ouvert
en tombant. Ce fut à son tour d’être stupéfait : il s’agissait
justement de 1 Samuel 5, le passage où le dieu des Philistins,
Dagôn, tombe face contre terre devant l’Arche de l’Éternel. «
Je n’ai jamais vu un texte si passionnant » racontait-il plus tard
avec un large sourire.
Maintenant, les villageois sont tous chrétiens et ils
ajoutent : « Nous avons remarqué une amélioration de nos récoltes
et nous avons de nouveau moins d’accidents » Détail touchant,
l’héritage de M. Lo se perpétue. Chaque soir, au crépuscule, on
voit dix à quinze villageois debout sur les digues. Un bras tendu,
la paume de la main relevée, les doigts écartés, ils murmurent
leur prière tout en tournant lentement sur eux-mêmes. Et chacun, en
l’honneur de M. Lo, porte une houe sur l’épaule.